HTML Document Contexte paysager et contrôle biologique des foreurs du maïs

Les attributs du paysage influencent la dynamique des populations d'Insectes et influent sur leurs interactions biotiques. En effet, nombre d’études ont montré que la structure et la composition d’un paysage agricole peut influencer le niveau du contrôle biologique des Insectes ravageurs dans les agroécosystèmes. En République Démocratique du Congo (RD Congo), la zone de forêt tropicale humide subit une anthropisation conduisant à la fragmentation du massif forestier et à l’expansion des habitats riches en graminées sauvages. A ce jour, l’on ne dispose pas d'une information fiable sur le rôle que jouent les graminées sauvages dans l’infestation des agroécosystèmes par les Lépidoptères Foreurs et leur contrôle par les parasitoïdes. Aussi, la diversité des Foreurs et des Parasitoïdes associés est peu connue dans la zone de forêt tropicale humide en RD Congo. Il était attendu que le rapide développement de la culture du maïs en zone forestière se traduise dans un premier temps par un faible potentiel de contrôle biologique naturel des Lépidoptères Foreurs sur le maïs, puis par une amélioration de ce potentiel en relation avec une accentuation de l’anthropisation de la zone forestière. 

Pour clarifier ces questions, les Lépidoptères Foreurs des graminées ont été récoltés en trois pisodes sur le maïs et dans les habitats naturels de septembre 2006 à décembre 2014. Aussi, les œufs des Foreurs de la Famille des Noctuidae ont été récoltés sur un gradient d’anthropisation de la forêt tropicale humide sur de plants de maïs âgés de 2-3 semaines pendant la même période. Dans son ensemble, l’étude a couvert l’aire comprenant Kisangani et son hinterland jusqu’à Kona Itimbiri sur le fleuve Congo et Enguengele sur les rivages de Arwimi. L’objectif majeur de la présente étude consistait à évaluer la réponse des Lépidoptères Foreurs des graminées et celle des Parasitoïdes associés à l’expansion des habitats riches en graminées sauvages dans la forêt et ses conséquences pour le contrôle biologique dans les agroécosystèmes.

Au total, 6597 chenilles et chrysalides ont été récoltées, dont 2877 sur le maïs et 3720 sur les plantes hôtes sauvages. Aussi, 10272 oeufs des Lépidoptères Foreurs du maïs de la famille des Noctuidae ont été récoltés sur le maïs. Dix-neuf espèces de Lépidoptères Foreurs ont été identifiées. Elles étaient réparties en cinq familles: Cossidae, Crambidae, Noctuidae, Pyralidae et Tortricidae. Cinq espèces ont infesté le maïs (Busseola fusca, Sesamia calamistis, Chilo aleniellus, Eldana saccharina, et Mussidia nigrivenella) et 18 ont été recouvrées de plantes hôtes sauvages. En général, les espèces dans la famille des Noctuidae étaient les plus fréquemment rencontrées représentant 61,7% des Foreurs sur le maïs et 66,5% dans les habitats naturels. Busseola fusca était l'espèce la plus abondante sur le maïs représentant 50,1%, suivie de E. saccharina (35,7%) et S. calamistis (11,6%). 

A propos des parasitoïdes, 20 espèces ont été recouvrées au cours de cette étude dont 15 ont parasité les Foreurs sur le maïs et 16 ont parasité les Foreurs dans les habitats naturels. La majorité des espèces appartenait à l’Ordre Hymenoptera représentant 77,0% sur le maïs et 53,2% dans les

habitats naturels. Parmi elles, Cotesia sesamiae était l'espèce la plus représentée comptant pour 26,4% sur le maïs et 20,9% dans les habitats naturels. Le réseau écologique des parasitoïdes était constitué de 19 espèces visitant en moyenne 4 espèces végétales chacune et 9 espèces végétales hôtes visitées en moyenne par 11 espèces de parasitoïdes chacune. Trois espèces généralistes ont joué un rôle important dans le parasitage des Foreurs, notamment Cotesia sesamiae (SI = 0,53), Enicospilus ruscus (SI = 0,34) et Sturmiopsis parasitica (SI = 0,75) intervenant respectivement dans 70,0%, 23,9% et 5,9% des interactions. 

Globalement, la diversité des Lépidoptères Foreurs dans cette étude paraît plus élevée par rapport aux valeurs obtenues dans la forêt Guinéo-Congolienne du Cameroun, suggérant ainsi que nous avons catalogué de manière satisfaisante la communauté des Foreurs dans la forêt humide de la RD Congo. Cependant, cette diversité s’avère faible par rapport aux dizaines d'espèces de Foreurs et de parasitoïdes récoltées en Afrique orientale et australe. La différence de diversité entre notre étude et celles conduites en Afrique orientale et australe a été attribuée à la présence dans ces régions des mosaïques végétales ouvertes riches en graminées comparativement à la région de forêt Guineo-Congolienne. Sur le gradient d’anthropisation, l'infestation du maïs par les masses d'oeufs a diminué avec l’accroissement de l’anthropisation. La probabilité d'infestation était 1,77 fois plus élevée à Malimba (χ2c2c = 19,771; p = 0,009) alors qu'elle était 0,58 fois plus faible à Bawi = 8,36; p = 0,004) comparativement à Kazombo. La même tendance a été observée en termes du nombre moyen de masses d'œufs par 100 plantes et du nombre moyen d'œufs par 100 plantes. Contrairement à l’infestation, le taux moyen de parasitisme des œufs a augmenté avec l’anthropisation du paysage; il était de 1,39 fois supérieur à Bawi (χ2c = 9,868; p = 0,002) comparativement à Kazombo. Ce résultat s'explique vraisemblablement par la présence d’une végétation graminéenne riche en plantes hôtes plus ou moins régulièrement réparties dans le site le plus perturbé; ce qui impliquerait une grande abondance des œufs hôtes sur lesquels les parasitoïdes développent leurs populations et débordent ensuite aux champs cultivés adjacents.

L'abondance de graminées sauvages dans le paysage a aussi affecté de façon significative la densité des Foreurs (χ52,327; Pm= 9,23; Pc2m = 57,652; Pm < 0.0001) et les taux d'infestation du maïs par les chenilles (χ < 0.0001). Le taux d'infestation de maïs a diminué et était de 0,224 fois à Kakolo 2 (χ = 0,002) et 0,248 fois à Bawi (χ2c = 10,476; Pc = 0,001) le taux d’infestation à Kazombo.

Les taux moyens de parasitage des chenilles et chrysalides ont montré la même tendance sur le 2m=2c gradient d’anthropisation à Malimba (χ2c = 435620,4; Pc2m = 4654,233; Pm < 0,0001). Ainsi, ils ont été de 3,43 x 10-12  < 0,0001) et 6,04 x 10-16 à Bawi (χ2c = 4,32 x 1013; Pc < 0,0001)  comparativement à Kazombo. En revanche, dans les habitats sauvages, le parasitage des Foreurs a augmenté avec l'abondance des graminées sauvages dans le paysage. Il a augmenté de 20,81 fois à Kakolo 2 et 22,75 fois à Bawi comparativement à Kazombo. Dans une analyse en composantes principales, deux valeurs propres ont été extraites expliquant 88,3% de la variance totale du système. La composition paysagère, première composante principale, a expliqué 71.0% de la variance totale. L'équitabilité et la diversité des graminées sauvages ont montré une forte association positive avec la diversité des parasitoïdes dans les habitats naturels et la proportion des champs et jachères dans le paysage. Une proportion croissante de forêt primaire dans le paysage était associée à des densités élevées des Foreurs et une forte infestation du maïs. Ces résultats suggèrent que le contrôle biologique des Foreurs est plus efficace dans les habitats sauvages que dans les parcelles cultivées comme l'ont suggéré Bowden (1976) et Overholt (1998). Répondant à l’accroissement de l’abondance de leurs plantes hôtes sauvages dans le paysage agricole, les Foreurs en grandes populations ont favorisé l’installation d’une communauté diversifiée des parasitoïdes dans le site le plus anthropisé. Ainsi, nous avons conclu que le maintien d’une végétation herbacée riche en graminées hôtes autour des champs cultivés favorise le contrôle biologique des Lépidoptères Foreurs du maïs.

Auteur: Onésime Mubenga Kankonda

 

Date de publication 05/05/2020
Contributeur Olivier Basa
Couverture géographique Congo, La République démocratique du
Mots-clefs infestation du maïs, diversité des parasitoïdes, forêt tropicale humide, dispersion des graminés, parasitismes des chenilles foreuses du maïs